EMILIE DICKINSONSurprise is like a thrilling - pungent -
La surprise est comme un piment - fort -
Opon a tasteless mea.
Dans un mets sans saveur.
Alone - too acrid - but combined
Seul - trop acre - mais combiné
An edible Delight
Un possible régal
Our own possessions - though -
Nos propmres possession - cependant -
'Tis well to hoard anew -
Il est bon d'y engranger du neuf -
Remembering the Dimensions
Nous rappelant les Dimensions
Of Possibility.
Du Possible.
We lose - because we win -
On perd - Parce qu'on gagne -
Gamblers - recollectin witch -
Les joueurs - s'en ressouvenant -
Toss their dice again!
Lancent à nouveau leurs dés!
The vastest earthly Day
La plus vaste journée terrestre
Is shrunken small
Est encore amoindrie
By one Defaulting Face
Par un visage qui manque
Behind a Pall
Derrière le poêle.
*****CHARLES BAUDELAIRE- Les fleurs du mal -L'albatros
Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.
A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d'eux.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule!
Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid!
L'un agace son bec avec un brûle-gueule,
L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait!
Le Poëte est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'archer;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher
Les bijoux
"La très-chère était nue, et, connaissant mon cœur,
Elle n'avait gardé que ses bijoux sonores,
Dont le riche attirail lui donnait l'air vainqueur
Qu'ont dans leurs jours heureux les esclaves des Mores.
Quand il jette en dansant son bruit vif et moqueur,
Ce monde rayonnant de métal et de pierre
Me ravit en extase, et j'aime à la fureur
Les choses où le son se mêle à la lumière.
Elle était donc couchée et se laissait aimer,
Et du haut du divan elle souriait d'aise
A mon amour profond et doux comme la mer,
Qui vers elle montait comme vers sa falaise.
Les yeux fixés sur moi comme un tigre dompté,
D'un air vague et rêveur elle essayait des poses,
Et la candeur unie à la lubricité
Donnait un charme neuf à ses métamorphoses;
Et son bras et sa jambe, et sa cuisse et ses reins,
Polis comme de l'huile, onduleux comme un cygne,
Passaient devant mes yeux clairvoyants et sereins;
Et son ventre et ses seins, ces grappes de ma vigne,
S'avançaient, plus câlins que les Anges du mal,
Pour troubler le repos où mon âme était mise,
Et pour la déranger du rocher de cristal
Où, calme et solitaire, elle s'était assise.
Je croyais voir unis par un nouveau dessin
Les hanches de l'Antiope au buste d'un imberbe,
Tant sa taille faisait ressortir son bassin.
Sue ce teint fauve et brun le fard était superbe!
Et la lampe s'étant résignée à mourir,
Comme le foyer seul illuminait la chambre,
Chaque fois qu'il poussait un flamboyant soupir,
Il inondait de sang cette peau couleur d'ambre."
La voix
"Mon berceau s'adossait à la bibliothèque,
Babel sombre, où roman, science, fabliau,
Tout, la cendre latine et la poussière grecque,
Se mêlaient. J'étais haut comme un in-folio.
Deux voix me parlaient. L'une,, insidieuse et ferme,
Disait:" La Terre est un gâteau plein de douceur;
Je puis (et ton plaisir serait alors sans terme!)
Te faire un appétit d'une égale grosseur."
Et l'autre: "Viens! oh! viens voyager dans les rêves,
Au delà du possible, au delà du connu!"
Et celle-là chantait comme le vent des grèves,
Fantôme vagissant, on ne sait d'où venu,
Qui caresse l'oreille et cependant l'effraie.
Je te répondis: "Oui! douce voix!" C'est d'alors
Que date ce qu'on peut, hélas!" nommer ma plaie
Et ma fatalité. Derrière les décors
De l'existence immense, au plus noir de l'abîme,
Je vois distinctement des mondes singuliers,
Et, de ma clairvoyance extatique victime,
Je traîne des serpents qui mordent mes souliers.?
Et c'est depuis ce temps que pareil aux prophètes,
J'aime si tendrement le désert et la mer;
Que je ris dans les deuils et pleure dans les fêtes,
Et trouve un goût suave au vin le plus amer;
Que je prends très-souvent les faits pour des mensonges,
Et que, les yeux au ciel, je tombe dans les trous.
Mais la Voix me console et dit: "Garde tes songes:
Les sages n'en ont pas d'aussi beaux que les fous!""
-Pièces diverses-
"Qu'est-ce que l'amour?
Le besoin de sortir de soi.
L'homme est un animal adorateur.
Adorer c'est se sacrifier et se prostituer.
Aussi tout amour est-il prostitution."
- Mon cœur mis à nu-
"Le cœur content, je suis monté sur la montagne
D'où l'on peut contempler la ville en son ampleur,
Hôpital, lupanars, purgatoire, enfer, bagne,
Où toute énormité fleurit en sa grandeur.
Tu sais bien, ô Satan, patron de ma détresse,
que je n'allais pas là pour répandre un vain pleur;
Mais comme un vieux paillard d'une vieille maîtresse,
Je voulais m'enivrer de l'énorme catin
Dont le charme infernal me rajeunit sans cesse.
Que tu dormes encor dans les draps du matin,
Lourde, obscure, enrhumée, ou que tu te pavanes
Dans les voiles du soir passementés d'or fin,
Je t'aime, ô capitale infâme! Courtisanes
Et bandits, tels souvent vous offrez des plaisirs
Que ne comprennent pas les vulgaires profanes."
("Petits poèmes en prose - Épilogue")
Le Gouffre
Pascal avait son gouffre, avec lui se mouvant,
- Hélas! tout est abîme, - action, désir, rêve,
Paroles! et sur mon poil qui tout droit se relève
Mainte fois de la Peur je sens passer le vent.
En haut, en bas, partout, la profondeur, la grève,
Le silence, l'espace affreux et captivant...
Sur le fond de mes nuits Dieu de son doigt savant
Dessine un cauchemar multiforme et sans trêve.
J'ai peur du sommeil comme on a peur d'un grand trou,
Tout plein de vague horreur, menant on ne sait où;
Je ne vois qu'infini par toutes le fenêtres,
Et mon esprit, toujours du vertige hanté,
Jalouse du néant l'insensibilité.
- Ah! ne jamais sortir des Nombres et des Êtres !
*****SAPHO
"Mes yeux sont éblouis: ils goutent le bonheur des dieux
cet homme qui, devant toi,
prend place, tout près de toi écoute, captivé,
la douceur de ta voix
et le désir d'aimer qui passe dans ton rire. Ah!
c'est bien pour cela,
un spasme étreint mon cœur dans ma poitrine.
car si je te regarde, même un instant, je ne puis,
plus parler,
mais d'abord ma langue est brisée, voici qu'un feu
subtil, soudain, a couru en frisson sous ma peau.
mes yeux ne me laissent plus voir, un sifflement
tournoie dans mes oreilles.
une sueur glacée couvre mon corps, et je
tremble,
toute entière possédée, et je suis
plus verte que l'herbe. D'une morte j'ai presque
l'apparence.
Mais il faut tout risquer..."
( traduction: Yves Battistini )
"Il me paraît égal aux dieux l'homme qui, assis en face de toi, écoute ta
douce voix et ton rire charmeur qui affole mon cœur.
Moi, à ta vue, je reste sans voix, ma langue se brise, la fièvre me brûle, mes
yeux se brouillent, mes oreilles bourdonnent, je sue, je frissonne, je verdis, je
crois mourir.
Mais il faut tout oser "
( traduction: Frédérique Vervliet )
"Il me paraît, celui là-bas, égal aux dieux, qui face à toi est assis, et tout près écoute ta voix suave et ton rire charmeur qui a frappé mon coeur d'effroi, dans ma poitrine; tant il est vrai que si peu que je te regarde, alors il ne m'est plus possible de parler, par même une parole; mais voici que ma langue se brise, et que subtil aussitôt sous ma peau court le feu; dans mes yeux il n'y a plus un seul regard, mes oreilles bourdonnent; la sueur coule sur moi; le tremblement me saisit toute; je suis plus verte que la prairie; et je semble presque morte; mais il faut tout endurer puisque..."
( Traduction Jackie Pigeaud )
*****OSSIP MANDELSTAM
Nous vivons sans sentir sous nos pieds de pays,
Et l'on ne parle plus que dans un chuchotis,
Si jamais l'on rencontre l'ombre d'un bavard
On parle du Kremlin et du fiers montagnard.
Il a les doigts épais et gras comme des vers
Et des mots d'un quintal précis comme des fers.
Quand sa moustache rit, on dirait des cafards,
ses grosses bottes sont pareilles à des phares.
Les chefs grouillent autour de lui - la nuque frêle.
Lui, parmi ces nabots, se joue de tant de zèle.
L'un siffle, un autre miaule, un autre encore geint -
Lui seul pointe l'index, lui seul tape du poing.
Il forge des chaînes, décret après décret...
Dans les yeux, dans le front, le ventre et le portrait.
De tout supplice sa lippe se régale.
Le Géorgien a le torse martial."
( traduction par François Kérel )
*******CHARLES D'ORLEANS"Belle, bonne, nompareille, plaisant,
Je vous suppli, vueilliez me pardonner
Se moy qui suis vostre grace actendant,
Viens devers vous pour mon fait raconter.
Plus longuement je ne le puis celer
Qu'il ne faille que sachiés ma destresse
Comme celle qui me peut conforter,
Car je vous tiens pour ma seule maistresse.
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Se si a plain vous vois mes maulx disant,
Force d'Amours me fait ainsi parler,
Car je devins vostre loyal servant
Le premier jour que je peuz regarder
La grant beauté que vous avez sans per,
Qui me feroit avoir toute lïesse
Se serviteur vous plaisoit me nommer,
Car je vous tiens pour ma seule maistresse.
****
Que me donnez en octroy don si grant,
Je ne l'ose dire ne demander;
Mais s'il vous plaist que de cy en avant
En vous servant puisse ma vie user,
Je vous supply que sans me refuser
Vueilliez souffrir qu'y mette ma jeunesse :
Nul autre bien je ne vueil souhaidier,
Car je vous tiens pour ma seule maitresse.""Ballade I"