Nuit
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Un vent furieux qui passe sur un toit d'ardoises bleues l'ouragan se déchaîne et courbe le grand chêne un éclair à suffi au bruit assourdissant et la pluie qui s'abat sur la Terre asséchée fait renaître la vie --- Une fleur courbée et que le vent secoue comme un moine penché saluant au passage une sauterelle orthoptère une mouche diptère un parpaillot pressé ---
Que dis-tu carillon de tes cent cloches à la volée? Dis-tu le soleil qui blanchit le ciel haut Chauffe la pierre en-bas? Que dis-tu carillon De tes cent cloches à la volée? Annonces-tu l'espoir à nos corps fatigués Annonces-tu l'espoir à notre âme ici-bas? Carillon tout en-haut d'un monument levé Vers un Dieu qui se tait. --- Mais que cet habit pèse avec son accent grave Sur votre dos courbé de sévère censeur lorsqu'à l'heure critique vous montrez la sanction Et d'un lent mouvement désignant la maxime Que vous fîtes graver sur le fronton du temple De votre voix profonde comme un gouffre creusé Vers les eaux telluriques vous en marquez le sens. --- Puisque la voix succède aux tristes heures Quand le Soleil après la pluie revient Et qu'une voix efface la douleur Je veux aller vers de nouveaux matins, Et mon cœur nu cherchant d'autres bonheurs Puisqu'à nouveau j'entends des cris d'oiseaux Des oiseaux bleus, des merles et des moineaux Veut oublier d'anciennes et vaines peurs. --- Bruits de mon corps asservi Nerfs, muscles et tripes mêlés Je sens battre mon cœur Flux et reflux de mon sang, Un désir est en moi qui soulève ma peau Défait mes entraves et fait craquer mes os Me pousse au dehors où poussent les grands vents! --- Où vas-tu joli cadavre Déjà tout froid déjà tout gris? Où vas-tu par temps de pluie Dans ta boite de sapin? Je m'en vais loin de la vie Loin du Soleil et des orages J'aurai la terre dans ma bouche Dans mes narines et mes oreilles Loin des rires et des soucis J'en ai fini mon cœur aussi. --- J'écoutais le murmure que fait le vent venu de loin: un oiseau passe et cris et ce n'est plus qu'un point évaporé son cri. ---
J'ai vu un Soleil à midi astre terrible incandescent comme un rond blanc déversant sa lumière J'ai vu un Soleil au zénith comme l’œil unique d'un dieu qui danse au-dessus des champs et fait fondre le fer réchauffe la Terre et me brûle les mains et j'ai pensé à toi Vincent van Gogh ---
Vieux canapé rappé où s'enfoncent nos culs les vers et la lumière défont ton bois pourri comme un bateau laissé à toute intempérie pourtant j'aime m'asseoir sur tes ressorts cassés et sur ce frêle esquif inutile et figé je médite à loisir et je refais le Monde et songe au grand Espace que personne ne sonde --- Il y a les rires et puis l'oubli comme l'eau refermée d'un lac sur ses secrets profonds ---
Dehors je vois des autos d'or qui passent en sifflant et dans ces autos d'or y'a des soldats de plomb des soldats si pesants qu'ils ne peuvent marcher et ces soldats de plomb dans ces autos dorée et l'air d'accordéon oh! Le joli manège! ---
Un chapeau indiscret écoutait à la porte un secret mal gardé un secret éventé une licorne en passant lui a pris son chapeau son chapeau en passant le chapeau sans chapeau surpris s'est retourné mais un souffle du vent plus loin l'a emporté... ---
Une carafe en carafe sur le quai d'une gare se trouve nez à nez avec un verre fatigué un verre à pied tout vidé qui n'ose rien demander Comprenant aussitôt par bonté la carafe remplit le verre de son eau et le verre illico de se mettre à danser sur son pied fatigué à danser illico ---
Savons-nous le dessein des flammes indécises qui éclairent ces nuits où nous cherchons l'oubli et sais-tu le destin qui élève ou qui brise et qui croise les fils dont se tissent nos nuits? Mais si l'ombre recule à mesure à mesure qu'elle avance chaque fois resurgissent et ténèbre et Silence... Ainsi le savons-nous depuis la Nuit des temps que quelque chose échappe à notre entendement Nous voulons être forts, nous voulons être grands et chacun voudrait fuir le mystère et la mort Nous unissons nos âmes, nous unissons nos corps et pourtant nous restons comme de grands enfants ---
Grande est la Terre et j'entends son vacarme, trop de misère derrière le bruit des armes. Vide et glacé l'Univers étoilé, immensité qui garde son secret --- La montagne enfumée a vu passer les siècles, immensité drapée dans son éternité. Des insectes fragiles n'ont jamais vu l'aurore, témoins tremblants des vents violents. ---
Et si j'étais l'oiseau qui plane dans les nues silencieux et fier je sentirai le vent sur mon plumage noir et porté par les remous qui battent la montagne et remontent les gorges scrutant le maigre sol scrutant l'herbe d'alpage les cailloux, les rochers je chercherai pitance quelque insecte égaré, quelques miettes laissées... ---
Aux orgues de Staline, crachant la mort le feu sur des soldats hagards et des soldats sans yeux à ces produits barbares d'une fausse technique je voudrais opposer les orgues basaltiques par exemple à Gourdon, quelque part en Ardèche là où le vent mugit contre la pierre sèche: vestiges telluriques certains sont des bûchers comme les troncs sciés de pierre entassées d'autres sont les piliers de temples érigés depuis la Nuit des temps vers le mystère des cieux ---
Vous verrai-je jamais vous les palétuviers qui croisez vos racines au-dessus des marais les mangliers d'Afrique ou bien de Malaisie vous les girofliers dont les clous odorants embaument nos palais et la peau de mes mains touchera-t-elle un jour le grain rugueux de vos écorces crues? Du Levant au couchant vers où va le Soleil et des glaces du Nord aux forêts tropicales le Monde est grand, le Monde est vaste et ma vie si ténue devant cet Infini ---
Je dormirai sous le piano les doigts de pied en éventail je dormirai pendant vingt ans, à poings fermés les yeux ouverts sur de beaux rêves extravagants... Je dormirai sur le trottoir, roulé en boule dans un vieux sac! Je dormirai tout en riant comme un vieux fou sans foi ni loi... Et même un jour je dormirai loin du Soleil et des orages j'aurai la terre dans ma bouche, dans mes narines et mes oreilles et même un jour je dormirai loin des rires et des soucis je serai sage et bien rangé j'en ai fini mon cœur aussi ---
La beauté l'ai-je vue accrochée aux contours d'immobiles statues qui dorment sans rêver dans des jardins obscurs et des musées déserts? La beauté l'ais-je vue dans les jeux de l'amour qui colorent ta joue et ton sourire nu où se lit à demi l'inquiétude d'aimer? La beauté lais-je vue au bout de longs efforts... Où n'est-ce qu'un reflet de la forme attendue? La beauté l'ai-je vue dans la forme idéale ou n'est-ce qu'un reflet fugitif et trompeur? ---
Je veux chanter la vie tissée d'or nué quand tu lève la tête à la Nue azurée et qu'à ta tempe bat le sang d'un cœur ardu après le dur effort courbé sur le sillon... Je veux chanter la vie et saline et de suc et de sève montante, de parfums précieux comme l'ambre intestine puis reprendre l'effort, penché sur la matière d'où peu à peu s'exalte une forme impassible puis reprendre l'effort penché sur la matière d'où peu à peu s’exalte une forme impeccable! ---



Une forêt de chênes, de pins et d'argéras pays aride et sec aux terribles orages pays de cendre, d'or, et de lumière fauve taillée comme dans un bloc unique c'est l'Abbaye du Thoronet. Nudité de la pierre, harmonie de la voûte musique des couleurs, harmonie des vertus simples signes gravés: une pomme de pin, un escargot sculpté. Dalles creusées par d'humbles sandales qui passaient régulières aux heures de l'office du cloître accueillant la lumière vers l'église assombrie qui ne veut que ce qu'il faut pour chanter ou prier. Le dortoir est gardé maintenant de vitraux alignés qui font rosir sa pierre et contre le préau bordé de ses arcades géminées le lavabo seulement qui murmure au bruit de l'eau qui coule encore...



--- Nuit noire myriades d'étoiles et moi les pieds dans l'eau écarquillant les yeux