Divers recueils

A l’aplomb d’une étoile

Pour Isabelle

Dessin réalisé pour l’édition de ce recueil par Léna Rosenberg

« Les chants écossais nous montrent comment, grâce à l’harmonie, la mélodie la plus fantaisiste peut être traitée en s’abandonnant au caprice de l’inspiration » Ludwig van Beethoven (Carnets)

Les épines de l'aube ont dessiné l'amour
c'est que
je veux vivre étonné que revienne le jour

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Liberté matinale d'un vaisseau vainqueur
à la pointe effleurée de ce sacré bonheur...

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Dans le matin nouveau lumineux qui frissonne
rejetant au passé les cendres de la nuit
dans ce matin nouveau lumineux qui frissonne
je me ranimerai comme un feu qu'on tisonne
dans ce matin nouveau lumineux qui frissonne
je me réveillerai comme braise rougie
d'où rejaillit soudain ce désir qui les forme
d'éclosion dans l'air de la beauté des formes

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La vie n'est dans la vie capitaine au long cours
de ces vaisseaux chargés des rêves du ressac
la vie n'est dans la vie comblée de ces amours
qui remplissent nos flancs de richesses en vrac
la vie n'est dans la vie traversée sans retour
qu'un voyage paré de la beauté du jour

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Mais le vois-tu là-haut sur l'Azur impassible
cet oiseau métallique qui file d'un trait
vers des pays lointains d'irrésistible attrait?
Mais le vois-tu là-haut sur l'Azur impeccable
soutenu par l'acier de ses ailes flexibles?
Bientôt l'on entendra le bruit des réacteurs
dont le vent peu à peu dissipe la vapeur...

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Dans les genets en fleurs en tous les buissons dort
l'impeccable Néant du plus grand des Hasards!

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Sur ma tête qui fume
son rêve rapiécé
d'un nuage pressé vers l'Horizon la plume...

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Drapeau cloué l'âme qui claque
ta peau ridée comme un vieux sac!

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Sur l'alpage blanchi à la chaux de l'été
pulsatile vieillie vois son style plumeux...
Sur l'alpage blanchi à la chaux de l'été
Dieu fasse que le mien ne devienne râpeux!

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Fiché ce soir au bar
Avignon qui m'essore
sur ce plastique avare
d'amour et de confort

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Vers le Danay suant
Nom de dieu qu'il fait chaud!
Malgré l'ombre des hauts
sapins piquent les taons!

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Je suis assis pareil aux herbes des murailles
qui n'auraient de vertu qu'un peu médicinale
Je suis assis pareil à ces perce-murailles
qui n'ont pour vêtement que cent fleurs apétales
Le torrent qui décrit l'écrin du Val d'Escreins
m'a chanté sa chanson je ne l'ai pas écrite
dans l'ombre d'un sentier que la nature abrite
j'avançais martelant d'un désir à tout crin
des semelles usées, j'avais rongé mon frein!
Dormillouse dansait dans le bleu de l'Azur
les grappes des sorbiers d'un beau rouge écarlate
dedans l'âme claquaient quand l'été déjà mûr
nous montrait tout là-haut la neige sur les crêtes

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Sous vos cimes si fières
beaux mélèzes les jeux
de l'ombre et la lumière
m'entortillent les yeux

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Au bord du fil de l'eau par un matin blafard
je regarde danser tous ces oiseaux en fête!
Mais de quoi riez-vous quand c'est bientôt l'hiver
de ce rire grinçant des rieuses mouettes?

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J'ai pissé contre un mur
c'est le vent c'est la pluie le gel sur ses fêlures
J'ai pissé contre un mur
et le mur a tremblé comme tremblent les blés

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Tout autour de l'égout
la danse des mouettes...
Cherches cherches mouette
quelque chose à ton goût!

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Je veux reprendre un peu de ce vin du désert
buvant le doux nectar et regardant tes yeux:
connais-tu la marmotte qui fuit les hivers
et renaît au printemps y retrouve ses jeux
son sifflement strident avertissant l'alpage?
Et sais-tu le Soleil qui réchauffe les mains
quand une longue marche a durci les visages
défaisant peu à peu les brouillards du matin?

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Pourrissement des feuilles
qui noircissent l'hiver
sous les arbres en deuil
mangeaille de la Terre

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Je me presse c'est tard
vent qui souffle ce fou
le long du boulevard
me percera le cou!

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Gerçure de l'hiver
déshabilles mes vers!

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Tous ces fils barbelés qui entourent la Terre
dans ta gorge rouillée font des rires amers
tous ces fils barbelés qui disent faut se taire
surveiller ses idées pas penser de travers

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Quand la guerre cent fois divise les amours
la machine déjà fabrique cent poèmes
sa mémoire câblée nous épate c'est sûr!
Sans nous dire jamais c'est celui-là que j'aime...

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Mais quand quitterez-vous dans un vaisseau vainqueur
sur la route étoilée vers quel astéroïde?
Mais quand quitterez-vous la Terre qu'un Soleil
réchauffe d'un rayon qui dérobe l'espace?
Mais quand quitterez-vous la Terre qu'un Soleil
refroidi laissera s'envelopper de glace
peu à peu pétrifiant de toute vie la trace

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Poète sans papier qui veut la liberté
quand détacheras-tu de ton âme mobile
contre tout ce qui fait nos destins immobiles
cet écrin qui retient la soudaine beauté?
Poète sans papier qui veut la liberté
sans règles pour fixer des rimes imbéciles!
Cette forme pourtant quand ce n'est pas facile
dans la langue vaincue suscitant la beauté
sans cesse nous éprend de ton âme fragile

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Je ne sais si là-haut sur nos têtes en guerre
l'arc-en-ciel est en feu tout autour de la Terre

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Comme un oiseau surpris j'habiterai la langue
de ce seul minerai je veux briser la gangue!

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Grenadiers en cadence
clarines en couleurs
les cailloux dans mon cœur
se choquent en Silence

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L'écartement du vent agite l'édelweiss
pétales duveteux caressez-moi l'oreille

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Sur la toile cirée trois mouches affairées
l'odeur du café fort ne les dérange pas

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Tous ces monstres fluos dragons électroniques
paillettes et cadeaux branchés pub mensongère
tous ces clips sur un rythme d'enfer je préfère
cultiver au jardin le doute acrobatique!

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Dans l'arène ébouriffant leurs chromes aigus
ces charmantes autos dilapidant l'espace
malgré l'ire grondant sous un dôme exigu
jamais n'étréciront nos vastes carapaces

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Pour changer en oiseaux-lyres nos outre d'eau
rutilants hameçons qu'affiche la rancœur
à ces lignes tracées qui m'étirent la peau
j'attacherai les joues rougies de l'âme sœur

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Mystère qu'éblouit la divine harmonie
ces voûtes accordées nous retiendrons captifs
du Silence hivernal aux aiguilles roussies
qu'un mélèze obstiné livre aux anges rétifs

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Formidable rempart qu'assiège le grand large
qu'un crachin vient mouiller beau granit et soudain
l'émeraude liquide allume ce festin
sombre tracé d'un coup de sabre d'abordage

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Sous un arbre fidèle au Chagrin de la Terre
tiré du fond secret des fosses abyssales
j'efface de mes pieds endurcis par le gel
ces ombres empaillées qu'étrécit le Soleil!

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Résonance obstinée d'un langage captif
je marcherai longtemps sur la grève sauvage
sans cesse détrempé le sable du rivage
ne garde pas l'aveu de mes pieds attentifs...

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Volets bleus et murs blancs sous le rose des tuiles
de la Pointe du But à celle des Corbeaux
tête dans les genets appuies sur les pédales...
Passant par Port-la-Meule et jusqu'à Port-Joinville
la mer était l'azur et l'Azur sans défaut.

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Sizain ciselé tant qu'à la fin d'impatience
j'aime mieux consacrer ce distique au Silence

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Giacometti so long
la lumière amenuise
des athlètes si longs...
Giacometti so long
la lumière amenuise
Diego dans sa chemise

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L'inamovible éclat d'un antique destin
découpe dans le marbre une attente pensive,
l'inamovible éclat dont on taille les roses
découpe dans le marbre une forme précise...
L'inamovible éclat de mes hésitations
si le clinquant tarit les sources tout autour
découpe dans le marbre de rares issues...
Et là-bas si la flamme a la couleur du miel
et là-bas si la flamme réclame son dû
la fureur des oiseaux raccommode le Ciel

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Visages occultant le désastre à venir
sous la vague j'emplis mes poumons d'algues brunes,
visages éclairant l'immensité qui passe
sous la vague j'emplis mes poumons d'amertume.
Visages qu'arrondit la jambe du compas
sous la vague roulant reflets arborescents
comme au Ciel une gifle aux doigts phosphorescents
maintenant que j'entends toutes griffes dehors
grincer les froids froids essieux d'un chariot que j'adore

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Si je loge à l'enseigne du maigre héron
tout au fond de tes yeux j'invoquerai l'amour,
si je loge à l'enseigne d'un aigle vainqueur
dans le creux de tes reins j'entasserai le jour...
Si je loge à l'enseigne du merle moqueur
à tes pieds incurvés je dépose les armes,
si je loge à l'enseigne du verbe enchanteur
pour sécher le silence impeccable des pierres
quand le vent vient tirer les câbles de l'hiver
j'essaimerai l'oubli des chagrins nécessaires...

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Réjouissante inquiétude à sa source aurifère
j'ai voulu transplanter mon cœur en pleine terre,
dans vos mains qu'endurcissent les les aubes de craie
ce calice tranchant, cette tulipe fière!

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Nous prions l'innocence à l'aplomb d'une étoile
de son âme assouplie quel enfant ne s'émeut?
Le fléau se balance entêtant nos humeurs
quand les pieds enfoncés dans le socle des jours
je n'entends plus grincer les essieux du malheur

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La montagne s'effrite en rythmes elliptiques
sous les draps à l'abri de ces sacrés moustiques!

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Si dans tes yeux s'inscrit le signe du départ
pour la Lune j'aurai d'impossibles égards...

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Comme l'oiseau touché par le fusil mortel
je poursuivrai longtemps cette trace du Ciel...