(74)Notre souffrance nous est d’autant plus précieuse que les cris qu’elle sait si bien nous arracher peuvent assurément percer d’un coup la bulle de fictions protectrices et consolatrices que la conscience, inlassablement, tisse et retisse autour de son propre centre.
(75)Il y a de certaines illusions qui, par la seule insouciance qu’elles provoquent permettent que renaissent un moment pour nous un peu de l’excitation du premier jour, un peu de l’excitation du premier matin!
(76)Dans la contemplation toujours inachevée des Œuvres du Grand Art ce n’est pas tant nous qui nous approchons de l’Ultime et insaisissable Vérité que Celle-ci qui, toujours à nouveau, se montre à nous pour nous faire signe dans le moment même où elle se dérobe
(77)Les heureuse et parfois très subtiles intuitions qui nous arrivent comme par magie ne sont que l’écume insaisissable, évanescente et fugitive d’une agitation qui, toute intérieure et moléculaire ne cesse de parcourir en tous sens et à grande vitesse un inextricable et très déroutant réseau de neurones enchevêtrés!
(78)Car c’est assurément pour lui avoir non sans une légère et très excusable complaisance offert l’hospitalité que le langage ne cesse d’offrir à l’homme l’illusion particulièrement gratifiante et flatteuse d’habiter un Univers qui n’aurait été conçu que pour lui.
(79)L’acceptation résignée, contrainte et au fond prévisible d’une très aveugle et aveuglante Nécessité ne saurait exclure la possibilité d’une très énergique, très soudaine et parfois aussi très féconde Révolte contre cette même, implacable et trop prévisible Nécessité.

(80)L’amour aussi obscurément archaïque qu’inconditionnel et passionné qu’il arrive qu’on ait fini par éprouver pour qui a su dompter nos élans les plus fous ou les plus sauvages n’est-il pas le ressort le plus secret que tout bon despote doit réussir à atteindre et à faire jouer en sa faveur et en en tirant aussitôt le plus de profit possible?
(81)Nous ne nous libèrerons jamais mieux qu’au profit de nos Seuls et imprévisibles Caprices!
(82)Car c’est seulement quand nous sommes au mieux de notre forme qu’il nous devient possible de réagir à l’Intuition du plus Grand et du plus Généreux des Hasard par une très soudaine, très imprévisible et très affolante disposition au Rire, à la Danse et à l’Ivresse de tous les sens…
(83)L’affirmation de soi de la pensée ne cesse de passer et de repasser par une très héroïque, très féconde mais aussi très éphémère négation de ses propres apparences
(84)Ce n’est surement pas en remontant sur la berge qu’on pourra en oublier l’ivresse de la nage; ce n’est surement pas en plongeant dans les eaux tumultueuses du fleuve qu’on pourra en oublier l’ivresse de la danse.
(85)Écrivant de nouveau sur le sable des plages espérerions- nous encore modifier un tant soit peu les inexorables, irréversibles et profonds mouvements de la mer?
(86)L’Ouverture sur un faisceau d’innombrables perspectives croisées est bien la plus immédiate et la plus heureuse conséquence de cette folle intuition qui n’aura cessé de nous traverser pour nous projeter jusqu’au-delà de tous les possibles de l’Horizon…
(87)Il nous arrive de célébrer le Hasard avec une allégresse telle que Seuls les Chefs d’œuvre du Grand Art pour en répercuter l’écho jusqu’aux galeries les plus éloignées et les plus sombres de notre indispensable et double labyrinthe à Ciel Ouvert et à Claire Voie!
(88)Une Éternité Vide aura bien été la Seule et indispensable condition pour que viennent cohabiter, autour d’un insaisissable présent, les imprévisibles souvenirs d’un insondable Passé et les anticipations d’un Avenir aussi généreux qu’injustifiable et capricieux.
(89)Mais quelle autre choix sinon de persévérer encore et toujours, définitivement hésitant, tâtonnant et trébuchant d’une bifurcation à l’autre de notre indispensable et double labyrinthe à Ciel Ouvert et à Claire Voie?
(90)Car c’est bien en s’efforçant de s’éclairer lui-même que l’esprit, toujours aussi imprévisible et capricieux, finira tout de même par distinguer plus nettement ses propres ombres comme ses propres failles, ses propres craintes comme ses interminables tremblements…
(91)Chacune de nos phrases ne pouvant que contribuer à l’ordre qui les conditionne, chacun de nos silences ne pouvant que répercuter l’écho de nos interminables bavardages Seul le Cri semble convenir à l’expression d’une intempestive, très salvatrice et très excitante Révolte!
(92)Derrière tous nos goûts, dégoûts et arrière-goûts qu’y a-t-il d’autre sinon cette implacable, aveugle et aveuglante Nécessité qu’un Hasard aussi Généreux qu’inconséquent n’aura cessé de livrer aux incessants caprices d’une Seule et Unique Contingence aux multiples Visages?
(93)La générosité de l’Homme envers lui-même est telle qu’il s’attribue volontiers une valeur et une dignité proportionnelles à la conscience qu’il prend de son irréductible fragilité face aux convulsions d’un Univers dont il restera jusqu’au bout le témoin foudroyé!
(94)Et comment la crainte des incessants caprices et autres imprévisibles revirements du Grand et Généreux Hasard pourrait-elle ne pas faire naître en nous l’irrépressible tentation de s’en remettre le plus rapidement possible aux indications rassurantes voire même aux injonctions d’un providentiel et toujours très discutable Sens Unique?
(95)Si la transmission de la parole est bien le prolongement naturel le plus généreux du Don de cette même parole alors c’est bien la transmission de la Question qui en constitue la pointe la plus fine, la plus acérée et bien sûr aussi la plus dangereuse!
(96)Car c’est à force de se heurter à l’impossibilité de penser tout autant le Tout que le rien ou le presque rien que toute pensée se fissure et se fragmente, s’émiette et se disperse pour finir par se volatiliser sans laisser la moindre trace
(97)Si, pour la Vraie et Ultime Sagesse l’ordre des mots qu’on sème est rarement le meilleur celui-ci n’en reflète pas moins chaque fois et peut-être même mieux que n’importe quel silence l’énergique, imprévisible et Capricieuse Générosité du plus Grand des Hasards
(98)Les chemins de l’Impossible sont toujours aussi ceux de nos plus fertiles désorientations…